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Le parc nucléaire français est-il prêt à résister à de nouveaux records de température ?

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EDF annonce ce jour le prolongement de l’arrêt de quatre réacteurs nucléaires pour plusieurs semaines, en raison de problèmes de corrosion. Alors que la France est frappée par une vague de chaleur exceptionnelle, le Réseau « Sortir du nucléaire » exprime ses interrogations quant à la capacité de certains matériels à assurer un fonctionnement correct en période caniculaire.

Sur un total de 56 réacteurs nucléaires, 32 sont donc à l’arrêt à ce jour. Les quatre nouveaux réacteurs à l’arrêt concernés sont Cattenom 1 (remise sur le réseau désormais prévue le 1er novembre), Cattenom 3 (11 décembre), Cattenom 4 (14 novembre), et Penly 1 (23 janvier 2023). C’est ce que vient d’annoncer dans un communiqué le groupe EDF, alors que nous sommes en plein contexte de fortes tensions en matière d’approvisionnement électrique.

Des matériels en surchauffe ?

Alors que les vagues de chaleur sont appelées à se multiplier et s’intensifier, la tenue du parc nucléaire existant à ces phénomènes extrêmes est une question cruciale. Or plusieurs avis publiés par l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) ces dernières années laissent entrevoir des interrogations persistantes à ce sujet. Ainsi, il apparaît que « de faibles marges existent entre les températures calculées dans les locaux et les températures admissibles pour de nombreux matériels, notamment de sauvegarde », ce qui « constitue une fragilité de la démonstration de la protection des installations contre les « grands chauds » [1] , et ce d’autant plus que les calculs thermiques réalisés par EDF présentent un certain nombre d’approximations.

En particulier, la question se pose pour les diesels de secours, censés venir en renfort en cas de perte d’alimentation électrique pour permettre la poursuite du refroidissement et l’arrêt des réacteurs dans des conditions sûres. L’IRSN indique ainsi que ceux-ci, en cas de température extérieure trop élevée, pourraient ne pas fonctionner à la puissance requise, posant la question de leur capacité à assurer leur mission [2]. Un constat d’autant plus inquiétant que le recours à ces équipements cruciaux n’est pas rare [3] et que nombre d’entre eux sont déjà dans un état qui laisse à désirer, notamment en raison d’une maintenance défaillante [4] Et si des diesels dits « d’ultime secours » (DUS) ont été installés sur les centrales suite à l’accident de Fukushima pour pallier une défaillance des diesels de secours due à des événements exceptionnels, ces DUS présentent déjà des dysfonctionnements… et leur tenue aux températures extrêmes pose elle-même question [5] !

Pour certains sites, des incertitudes ont été pointées du doigt dès mars 2020. Ainsi, les diesels de secours du réacteur n°1 du Tricastin sont capables d’assurer leur mission « hors agression canicule ». Et pour ceux de la centrale du Bugey, « les éléments présentés à ce jour par EDF ne permettent pas d’avoir une confiance suffisante concernant les marges affichées par EDF entre la puissance disponible des groupes électrogènes diesels de secours et la puissance requise, en situation estivale (grands chauds) et pour l’agression canicule. » [6] Si des tests sont effectués depuis plusieurs années sur l’ensemble du parc, leurs résultats ne sont pas connus à ce jour. Faute d’information, il ne reste donc plus qu’à espérer que l’utilisation des diesels de secours ne sera pas nécessaire !

La vulnérabilité du parc nucléaire au changement climatique doit être réévaluée

Par ailleurs, la méthodologie de calcul par EDF de l’aléa canicule était présentée comme insatisfaisante [7]. Un point d’autant plus préoccupant que de nouveaux records de température sont régulièrement battus, ce qui soulève la question du dimensionnement de certains équipements par rapport à des températures « extrêmes » bientôt obsolètes.

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Les fortes températures ont des effets indésirables pour EDF qui doit donc être amené à ralentir sa production nucléaire. Le groupe avait déjà prévenu depuis cet été que la production nationale pourrait être affectée en raison de l’échauffement des cours d’eau, utilisés pour refroidir les réacteurs.
Cette vulnérabilité des centrales aux fortes chaleurs vient s’ajouter aux autres risques liés au changement climatique les concernant : baisse du débit des cours d’eau laissant présager pertes de production, conflits d’usage, montée du niveau de la mer et risque de submersion sous-estimé pour les sites côtiers… Sans compter les impacts sur la biodiversité engendrés par les rejets d’eau chaude des réacteurs dans des milieux aquatiques déjà fragilisés, alors qu’EDF vient de se voir accorder une dérogation autorisant quatre centrales à dépasser les limites de température imposées au titre de la protection de l’environnement !

Alors que la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes est malheureusement inéluctable, le projet d’Emmanuel Macron de prolonger massivement un parc nucléaire vulnérable semble témoigner d’un dangereux aveuglement. Aux catastrophes climatiques, n’ajoutons pas un accident nucléaire ! Plutôt que de se leurrer avec une technologie dangereuse et peu fiable, l’urgence exige de bâtir dès maintenant un futur énergétique sobre, renouvelable et résilient.

Le prix de l’électricité en France ne cesse de monter depuis plusieurs mois, battant des records absolus : il a atteint ce jeudi 900 euros le mégawattheure, pour livraison l’an prochain, contre moins de 100 euros il y a un an, et moins de 50 euros ordinairement dans les années précédentes. La production nucléaire d’EDF étant déjà à un niveau historiquement faible, cela contribue à une hausse sans précédent des prix de gros de l’électricité. Un retard qui pourrait tendre un peu plus l’approvisionnement électrique du pays et nourrir une nouvelle flambée des prix. Dans un contexte national de très fortes tensions en matière d’approvisionnement électrique, le groupe maintient sa prévision de production nucléaire pour 2022 entre 280 et 300 térawattheure (TWh), même si cette production pourrait atteindre « probablement » le bas de cette fourchette, selon un porte-parole d’EDF. (Source AFP).

[1] Cf avis du 31 mars 2020, p. 46
[2] Cf avis du 27 avril 2022 : « L’IRSN a mené une expertise, présentée dans l’avis, des critères à retenir lors des essais périodiques visant à contrôler les températures des fluides auxiliaires des diesels des réacteurs de 900 MWe et de 1300 MWe. Cette expertise a mis en évidence que le respect de ces critères ne permet pas de garantir un refroidissement suffisant des diesels avec la puissance requise en cas de température extérieure élevée. la capacité des diesels à fournir la puissance requise en situation accidentelle pour alimenter les matériels nécessaires au repli et au maintien du réacteur dans un état sûr pourrait être remise en cause en situation de grand chaud. »
[3] Voir par exemple en juin 2022 au Blayais
[4] Par exemple, ce diesel de secours hors service pendant plusieurs semaines à la centrale de Chinon en raison d’une intervention de maintenance mal faite, ou ce problème générique qui a récemment touché un grand nombre de ces équipements sur le parc..
[5] Comme l’indique cet article de Capital, les critères initiaux de fonctionnement par températures extrêmes (jusqu’à +49°C et – 35 °C) auraient été abandonnés suite aux difficultés techniques rencontrées par les fabricants.
[6] Cf avis du 31 mars 2020, p.15.
[7] Cf avis IRSN du 31 mars 2020, p.45 : « Pour ce qui concerne la caractérisation de l’aléa, l’IRSN considère qu’EDF doit revoir certains aspects de sa méthodologie, notamment la période de retour considérée pour déterminer les températures caractéristiques d’une période de canicule. De plus, pour respecter les préconisations de WENRA, EDF a défini des températures « canicule WENRA » en appliquant une marge de 2°C aux températures caractéristiques de la canicule et a vérifié que les réacteurs de 900 MWe pouvaient y faire face. Pour l’IRSN, cette marge n’est pas suffisante au regard des incertitudes sur les températures extrêmes de période de retour décamillénale et certaines hypothèses de la démonstration que les réacteurs peuvent faire face à une « canicule WENRA » restent à justifier (débits de ventilation, apports calorifiques, prise en compte d’un MDTE …) »

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